Les loyautés - [Delphine DE VIGAN] ou comment lire une valeur sûre

JC Lattès, 2018, 208 pages


Je me suis offert un petit cadeau de Noël: le dernier Delphine de Vigan, qui vient tout juste de paraître en cette rentrée littéraire de janvier... Cadeau de moi à moi (bah voui, j'ai pour principe de ne jamais acheter de livres neufs)! Verdict.


Hélène est prof de SVT dans un collège. Elle s'inquiète soudainement pour le petit Théo, qui semble sombre, lointain, fuyant. Elle demeure persuadée qu'il est maltraité. Mathis, c'est le meilleur ami de Théo. Ils sont inséparables. Et enfin, il y a Cécile, la maman de Mathis, qui voit son couple se désagréger au fil des ans et voit d'un très mauvais œil la relation de son fils et Théo. 

J'ai expédié cette lecture en une soirée, car comme De Vigan l'avait annoncé dans un interview, elle voulait écrire un livre court, qu'on ne lâche pas. Pari réussi pour ma part. 
Le titre m'intriguait car il ne collait pas avec le résumé... Et une fois ma lecture achevée, j'ai dû me poser un moment pour faire tous les liens nécessaires. Et oui, Delphine de Vigan touche à un sujet intéressant, beaucoup plus courant qu'on ne le pense mais insuffisamment traité en littérature: la loyauté d'un enfant pour ses parents, lorsque ces derniers dysfonctionnent ou se séparent. Et ce qui va avec, forcément: la difficulté de dire les choses, d'être honnête.
C’est étrange, d’ailleurs, cette sensation d’apaisement lorsque enfin émerge ce que l’on refusait de voir mais que l’on savait là, enseveli pas très loin, cette sensation de soulagement quand se confirme le pire.
On apprend en effet que les parents de Théo sont divorcés depuis longtemps et que leur enfant est en garde alternée (stop, je vous laisse découvrir le reste...). Parallèlement, les parents de Mathis sont un couple qui ne s'aime plus, Cécile découvrant des choses sur son mari qu'elle ne peut accepter (stop, pas plus que le bord!). Les deux amis sont donc livrés à eux-mêmes, compensant ces manques l'un avec l'autre. 
La loyauté, c'est de protéger ses parents. C'est de souffrir en silence de leurs absences, voire même d'enterrer cette souffrance et de la garder pour soi, quitte à se faire beaucoup de mal. C'est taire certaines choses pour ne pas placer ses parents dans une postion indélicate, pour ne pas leur faire de mal.
La grande question que pose ce roman est finalement: jusqu'où peut-on aller, jusqu'où faut-il aller par loyauté? Quel est l'ordre des choses? L'auteure traite justement des conséquences de cette loyauté.

La fin m'a beaucoup surprise, et plutôt déçue au premier abord. Et puis, après mûre réflexion, je me suis dit que non, c'était parfait comme cela. C'était cohérent. Une jolie claque qui laisse la place à beaucoup de réflexions.
Ce sont des liens invisibles qui nous attachent aux autres – aux morts comme aux vivants –, ce sont des promesses que nous avons murmurées et dont nous ignorons l’écho, des fidélités silencieuses, ce sont des contrats passés le plus souvent avec nous-mêmes, des mots d’ordre admis sans les avoir entendus, des dettes que nous abritons dans les replis de nos mémoires.

Dans la continuité de ses derniers succès, Delphine De Vigan frappe encore une fois fort et surtout, juste. Un sujet qui pourra selon moi résonner chez beaucoup de lecteurs. Une très jolie découverte!


 Mes petites étoiles:



Attention Spoiler Attention Spoiler Attention Spoiler Attention Spoiler Attention Spoiler

A mon humble avis, il ne s'agit pas uniquement des loyautés qui unissent les enfants à leurs parents, quelques soient leurs erreurs ou leurs manquements. Et il ne s'agit pas que de Théo et Mathis. Les loyautés qu'évoquent l'auteure vont encore plus loin...
En effet, on sait que Hélène, la professeur inquiète pour Théo (au point de s'attirer de graves ennuis au sein de l'institution), était une petite fille maltraitée. Elle croit percevoir en son élève les mêmes symptômes... On sent sa fragilité, on sent qu'elle fait un transfert sur Théo, au point d'en perdre la tête. Elle, c'est sa loyauté envers son père qu'il l'a perdue, puisque même en tant qu'adulte, elle n'est pas guérie de ses blessures d'enfance.
Cécile, la maman de Mathis, évoque quant à elle sa loyauté envers son mari, au travers de ses séances chez le psychiatre. Et elle fait éclater cette bulle de confiance qui unit un couple lors d'un dîner chez des amis (scène absolument croustillante!), puisqu'elle ne reconnaît plus son mari qui s'avère mener une double vie sur la Toile... Sa loyauté la perd en tant qu'épouse, mais elle finit par s'en détacher pour ne plus souffrir.
Et puis, à la toute fin, alors que Mathis se trouve désemparé face au coma éthylique de son meilleur ami, l'abandonnant à son triste sort dans le parc déserté, ce n'est pas les parents qui sont prévenus. Ce n'est pas les parents qui débarquent. Mathis ne prévient pas à sa mère en qui il n'a finalement pas confiance. Il ne prévient pas non plus les parents de Théo qui sont tous deux défaillants. Mathis appelle Hélène. La professeur inquiète et attentionnée. La boucle est bien bouclée. Hélène est la seule adulte qui se soit inquiétée pour Théo, alors que celui-ci sombrait dans l'alcool. Hélène est la seule adulte loyale de cette triste histoire. Tout est résumé dans cet extrait:
Parfois je me dis que devenir adulte ne sert à rien d’autre qu’à ça : réparer les pertes et les dommages du commencement. Et tenir les promesses de l’enfant que nous avons été.
Est-ce parce qu'elle-même a vécu une enfance malheureuse? Sûrement. CQFD ?


Enfin, tout cela n'est que mon humble avis.


Commentaires

  1. J'ai été très touchée par ce livre moi aussi, impossible à lacher !

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  2. Moi, j'ai un avis un peu mitigé sur ce livre... Je poste ma chronique demain...

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